Ulrich Ramé : Fidélité, Fiabilité et Respect
Arrivé en 1997 au Haillan, il ne repartira jamais de Bordeaux et deviendra une figure emblématique du club.
Ulrich Ramé, la belle surprise
Lors de la saison 1997-1998, pour succéder au gardien international belge Gilbert Bodart, qui vient d’être élu meilleur portier de Division 1 lors de l’exercice précédent, les Girondins se tournent vers une autre pointure du football européen : Stanley Menzo. Mais le Néerlandais, après quelques matches de championnat sous le maillot orné du scapulaire, est relégué sur le banc de touche. La faute à des prestations en dents de scie et à l’émergence d’un certain Ulrich Ramé…
Une doublure qui dépasse
La donne était très claire au départ : avec un Stanley Menzo expérimenté au niveau mondial, et déjà sacré meilleur gardien des Pays-Bas et de Belgique, Bordeaux se dotait d’un dernier rempart solide et crédible. Le titulaire, c’était lui. Sauf qu’après un début de championnat moyen et interrogatif, le natif du Suriname déchante. Après trois victoires, deux défaites et un nul, aussi, la « doublure » s’installe au poste : Ulrich Ramé. « Ulrich qui ? », se demande-t-on, alors… Car le garçon, arrivé en toute discrétion d’Angers, saisit l’opportunité qui lui est offerte en Gironde, dans un club ayant disputé une finale de Coupe d’Europe (Coupe de l’U.E.F.A./C3) en 1996, et terminé 4e (et donc européen) en 1997.
Âgé de 24 ans, en couple, et sur le point d’être papa pour la première fois, cet athlétique joueur (1,87 mètres et 85 kilos) va savourer le cadeau.
« Ce fut pour moi une surprise de venir ici, car notre saison était loin d’être mirobolante, indique-t-il alors dans « Le Scapulaire », magazine officiel du club. Strasbourg et Nantes m’ont contacté… Ma décision était presque prise lorsque Bordeaux m’a fait une proposition. Tout s’est alors très rapidement fait. C’est pour moi l’un des clubs les plus prestigieux de D1. Et je savais que je venais pour travailler avec Dominique Dropsy »
ajoute celui qui, après avoir gouté à la D1 et la D2 avec le S.C.O., y évoluait peu de temps avant en National (2e du Groupe A). C’est donc le grand saut et, au contact de cet illustre ancien, il faut croire que ce dernier progresse plus rapidement que prévu…
Quitte, même, à ce que cela surprenne les observateurs autant que l’intéressé, au point d’être contraint d’apporter des précisions sur certaines déclarations personnelles !
« Lorsque je suis arrivé, mes propos ont été mal interprétés, rectifie l’heureux élu. Je n’ai jamais dit que je venais pour jouer de suite. Stanley avait signé deux saisons et moi quatre. Donc, au pire, je pensais pouvoir évoluer en première division dans deux saisons, tout en restant prêt si l’on faisait appel à moi plus tôt. Ce qui est d’ailleurs arrivé, expose-t-il avant de livrer son sentiment sur sa fulgurante promotion. C’est une surprise pour moi, d’autant plus que je ne savais pas comment j’allais réagir à ce niveau de la compétition, devant autant de public et avec une médiatisation aussi importante. »
Pourtant, il va désormais falloir faire avec…
« Mais qui est ce chat ? »
Son mentor, avec lequel il gardera des liens forts, le prépare pour effectuer ses premiers pas, après une déconvenue subie par les siens et Menzo, à Bastia (4-1/6e journée).
« Dominique est un perfectionniste. Il m’a énormément conseillé pour mon premier match face au Havre. La répétition des gestes à l’entraînement est importante et à ce niveau, c’est indispensable. »
Une semaine après la débâcle corse, Ramé pénètre donc officiellement pour la première fois sur la pelouse du Stade Municipal, en qualité de titulaire. Pour un 12 septembre qui restera à jamais dans sa mémoire, lorsqu’il affrontera, en soirée, le H.A.C. de Vikash Dhorasso… L’issue de ce match lui est bénéfique, puisque Bordeaux l’emporte 2-1, grâce à des réalisations de Lilian Laslandes (79e) et Jean-Pierre Papin (89e), répondant à une ouverture du score de Christophe Horlaville (25e).
Il y a du beau monde à ses côtés, et c’est parmi les Paulo Sérgio Gralak, Kodjo Afanou, Niša Saveljić, Kizito Musampa, Lassina Diabaté, David Jemmali, Louis Gomis, « Ricardinho » (Ricardo Luiz Pozzi Rodrigues), François Grenet, Peter Luccin et Sylvain Wiltord (1), qu’il connaît ses premières minutes de gloire. Guy Stéphan, son entraîneur, lui fait confiance et Ulrich trouve rapidement ses marques au sein du collectif ; malheureusement pour lui, après un passage prometteur dans le trio de tête du classement, Bordeaux ne parvient qu’à gagner épisodiquement, signant plus de résultats de nuls que de victoires, jusqu’à ce que la machine s’enraye et finisse par concéder des défaites régulières…
Ainsi, après une série de neuf rencontres sans succès, le cinglant revers subi chez l’A.J Auxerre (4-2), lors de la 21e journée (le 19 décembre 1997), sonne le glas de la mandature de Stéphan chez l’équipe fanion. Limogé, celui-ci est remplacé par son adjoint, Élie Baup... Un nouveau coach, et ancien gardien de but, auprès duquel Ramé va s’épanouir.
Entre-temps, pour de sa deuxième apparition, le portier a gouté à la… Coupe d’Europe ! Avec sobriété, d’abord, pour un 0-0 concédé face à Aston Villa F.C. à Lescure (le 16 septembre), puis avec amertume pour une défaite 1-0, au retour, à Villa Park, face à la formation du capitaine Gareth Southgate. Courte expérience : les Girondins ne dépasseront donc pas les trente-deuxièmes de finale de la compétition. La suite se solde par trois victoires consécutives, jusqu’à ce que la mauvaise série interfère…
Sa réussite suscite l’admiration, y compris parmi les siens. David Jemmali, son partenaire de défense de 1997 à 2008, témoigne en 2019 de ce qu’il en est.
« Lorsqu’Ulrich a signé à Bordeaux, on a tous vu que c’était un monstre ! Lui et moi sommes arrivés en même temps au club. Sans lui faire offense, personne ne le connaissait et c’était Stanley Menzo qui était titulaire. Mais comme ce dernier n’a pas été très à son avantage, et qu’il n’a pas réalisé un bon début de saison, Ulrich a eu le poste. Il faut dire que dès les premiers entraînements, on s’est dit : ‘‘ Mais qui c’est, ce chat ?!! ’’ Le garçon, il faisait parade sur parade… C’était Bernard Lama ! Un vrai phénomène de gardien de but ! ».
Avant de plaider, avec toujours autant d’amitié et de sincérité, ce qu’est Ramé, l’individu.
« L’homme, lui, est à l’image de son talent footballistique… Il est gentil, discret, avenant. C’est une belle personne, un très bon gardien de but, et je suis super content de l’avoir côtoyé ! »
Avec Michel Pavon – capitaine – et beaucoup d’autres, on assiste aussi à l’émergence d’une génération prometteuse, au sein de laquelle des cadres s’affirment. Eux, qui vont bientôt former l’ossature d’une grande équipe…
En parallèle, l’aventure en Coupe de France s’arrête net en seizièmes de finale à Monaco (1-0), face à l’A.S.M.F.C. de Jean Tigana, Willy Sagnol ou Sylvain Legwinski ; Ramé n’étant cette fois-ci pas des plus inspirés dans le jeu… Toutefois, avec son onze, il se rattrape en parvenant à atteindre la finale de la Coupe de la Ligue, le 4 avril 1998. Devant près de 78 000 spectateurs, au Stade de France (pour la première finale disputée dans l’enceinte), les Marine et Blanc bousculent le P.S.G. de Ricardo Gomes, allant jusqu’à pousser Alain Roche, Laurent Fournier et consorts jusqu’aux tirs au but (2-2). Mais comme l’an passé (face au R.C. Strasbourg), Bordeaux s’incline dans l’exercice (4-2). Il n’empêche, la saison est intéressante et se conclut par une 5e place en D1, synonyme de qualification européenne…
Le respect de tous
En quelques mois seulement, Ulrich a fait forte impression et, désormais, tout le monde sait qui il est, et ce qu’il vaut réellement ! D’ailleurs, la question ne se pose plus. Solide, efficace sur sa ligne et dans les sorties aériennes, redoutable dans le face-à-face avec les attaquants adverses, il va même bientôt être affublé du très officieux titre de « gardien de but le plus craint » dans cette manœuvre ! Il rassure autant qu’il assure.
Autoritaire sur le terrain, tandis qu’il se montre toujours aussi discret en dehors, il gagne le respect de tous. Son jeu au pied, également, en fait une valeur sûre au niveau national. Ceci n’est pourtant pas nouveau chez lui, à l’heure où les gardiens de but – qui sont encore pour certains habitués à ne jouer qu’avec leurs mains – doivent (depuis 1992) se servir de leurs pieds, lorsque passe en retrait d’un partenaire il y a… Mais si cette mesure destinée à favoriser le football offensif existe, elle ne pose aucun souci au Bordelais, tant sa panoplie en la matière est bluffante. Un atout qui remonte à loin…
« En fait, c’est à la suite de plusieurs blessures que j’ai pu perfectionner mon jeu au pied, confie au club le Nantais de naissance, en octobre 1997. J’ai été blessé pendant une période au pied droit, et je ne pouvais jouer que du pied gauche. »
Simple, efficace ! Comme lui…
Que de chemin parcouru depuis sa première licence obtenue dans le club de Challans (S.S.C.), en Vendée… Que d’ambitions naissantes, également, pour un garçon qui, par la régularité des ses prestations à haut niveau, voit arriver une historique Coupe du Monde dans son pays. Car si ce n’est pas encore complètement au programme, vu le talent, la fiabilité et les éloges qui définissent ses performances, « Yul » peut d’ores et déjà penser à l’éventualité tricolore. Parce qu’on le sait bien, tout va très vite en football… Un poncif qui colle alors parfaitement à ses gants…
Quelques semaines plus tard, Les Bleus se sont imposés chez eux, face au « grand » Brésil (3-0), avec un Fabien Barthez en état de grâce dans leur cage. La France change de dimension, avec cette première étoile, à jamais cousue sur son maillot. Les Girondins, eux aussi, vont entrer dans une autre dimension et briller dans la galaxie foot…
Leur gardien, au top de sa forme, va faire parler de lui. En bien, toujours. La nouvelle saison débute, avec son lot de recrues. Ainsi, Victor Manuel Torres Mestre, Hervé Alicarte, Ali Benarbia et Iván Pérez Muñoz, entre autres, enrichissent l’effectif. Quasi inconnus, les deux Espagnols (défenseur et attaquant) vont se révéler au public de Lescure, tandis qu’Ulrich va confirmer. Le début de championnat est tonitruant et la C3 bénéfique. Les trois premiers tours sont franchis avec sérieux et application. Le problème, en fait, c’est le quatrième ! Face à Parme (A.C.), en dépit d’une opposition bien négociée (2-1) à domicile, à l’aller, les Aquitains sombrent totalement au retour (le 16 mars 1999), devant Gianluigi Buffon, Lilian Thuram, Fabio Cannavaro, Roberto Sensini, Dino Baggio, Juan Sebastián Verón, Enrico Chiesa, Alain Boghossian, Hernán Crespo, Faustino Asprilla, Abel Balbo et les autres… Au Stade Ennio Tardini, c’est un véritable naufrage : 6-0 !
Bordeaux cale en quarts de finale, mais emmagasine de l’expérience. Les Parmesans, un peu plus tard, remporteront le trophée face à l’Olympique de Marseille (3-0)… Un O.M. par ailleurs humilié auparavant à Lescure (4-1/Le 29 janvier/22e journée), et qui reste le principal rival pour le titre de champion…
Meilleur gardien de D1
Ça ne console pas, mais le club, présidé par Jean-Louis Triaud, va enchaîner – dans le désordre chronologique – trois défaites et six victoires, dont la dernière sur la pelouse du Parc des Princes, face au P.S.G., à l’occasion de l’ultime journée de championnat ! Pour un exploit (2-3/Le 29 mai/34e journée), qui restera à jamais dans les annales de l’histoire du club et du football français ! Wiltord (deux buts) fait mal aux Franciliens de Philippe Bergeroo, mais Pascal Feindouno, jeune talent brut âgé de 18 ans et sorti du centre de formation, expédie, à la 89e minute de jeu, les Bordelais dans l’au-delà ! C’est le cinquième titre national pour le Club et Ramé est aux anges ! La fête est belle. De plus, Marseille, qui était à un point, est définitivement derrière ! Dans le vestiaire, la liesse s’installe. Elle qui va s’éterniser dans la nuit, sur la pelouse d’un Stade Municipal exceptionnellement accessible au public, à quatre heures du matin…
Peinturluré en bleu et blanc, comme joueurs et staffs, Ulrich, notamment juché sur la barre transversale d’un ovale plein à craquer, savoure, mesure le chemin parcouru, et se laisse aller aux songes d’éternité. Immortalisé par les photographes de presse, il pose malgré lui pour la postérité et la grandeur d’un club revenu au premier plan dans le gotha national. Pour ce qui demeurera son « meilleur souvenir en tant que joueur »…
D’un point de vue personnel, la prestation d’ensemble a été remarquée par le sélectionneur national, Roger Lemerre. Ainsi, Ramé fait partie de la liste des Bleus qui joueront en Andorre, le 9 juin, en match de qualification pour l’Euro 2000. Mieux : il sera titulaire, victorieux et imbattable (0-1) ! (Voir son parcours en EdF) Mieux encore, entre 1999 et 2003, il sera sélectionné à 12 reprises, sacré champion d’Europe des Nations en 2000 (sans toutefois disputer un match) et vainqueur de la Coupe des Confédérations (3 matches joués). Bordeaux avait vu juste, Bordeaux a eu du flair…
Cela, Ulrich le rend bien. Et la confiance, la reconnaissance, l’estime ou le respect sont mutuels. Y compris avec, et vis-à-vis, des supporters, pour lesquels cet homme providentiel incarne des valeurs qui sont chères. Qui a fière allure, et qui devient le porte-étendard d’un collectif particulièrement doué. Il est sollicité par de puissants clubs, mais choisit de rester…
La saison suivante, pour la première fois de sa vie, il connaît les joies et les émotions que procure la Ligue des Champions, même si le parcours s’arrête en phase de groupes. Et plus précisément en deuxième phase, puisqu’à l’époque, il y en a deux…
Comme une cruelle désillusion, le parcours en Coupe de France s’arrête en demi-finale, face au Calais R.U.F.C. (3-1, après prolongation), club pensionnaire de C.F.A. ! Les Girondins termineront 4es en D1, à seulement deux points de la C1, mais européens tout de même. Lui sera désigné meilleur gardien de Division 1 (Trophée U.N.F.P.) ! L’honneur est sauf…
Il incarne l’institution
Par la suite le club participe régulièrement aux compétitions continentales même si, parfois, il n’y en a pas ! La faute à quelques saisons en deçà, non loin des strapontins, ou carrément à cause d’un positionnement peu en adéquation avec les objectifs : dans le « ventre mou » du championnat ! Car oui, c’est arrivé, comme souvent dans l’histoire de l’institution, qu’il incarne par ailleurs à merveille. Cependant, cela ne l’empêche pas de poursuivre sa collaboration avec elle, en mode… C.D.I. ! Tandis que de bons portiers qui signent et/ou sont formés au club, se murent inéluctablement dans la position de doublure ; Yul n’étant quasiment jamais blessé ni suspendu ! Cependant, Frédéric Roux, choisi par Baup pour jouer la finale (et des tours précédents) de la Coupe de la Ligue, le 20 avril 2002 face au F.C. Lorient, au Stade de France, éclipse quelques instants le spectre du titulaire habituel ; mais la victoire finale (3-0) ne doit alors pas faire oublier que le début de compétition a été joué par Ramé…
Ensuite, le capitaine aquitain obtient de nouveau de la part de ses pairs une reconnaissance suprême, en raflant le trophée U.N.F.P. dédié !
Plusieurs entraîneurs se succèdent également et, lorsque Ricardo Gomes prend les rênes en 2005-2006, Bordeaux se classe 2e derrière l’Olympique Lyonnais, qui est devenu l’ogre du plateau. Ramé est le dernier rempart d’une défense de fer, qui unit dans ses derniers mètres Carlos Henrique, David Jemmali, Franck Jurietti, Kodjo Afanou, Florian Marange, Marc Planus, et « Beto » (Roberto Luis Gaspar Deus Severo), en sus des besogneux œuvrant dans les autres compartiments du jeu. Bilan : seulement 25 buts encaissés en 34 matches !
En 2006-2007, Bordeaux termine 6e et n’est donc pas bénéficiaire du ticket européen, via la D1. Mais le métier, la malice et la robustesse d’un groupe solide et solidaire, ont droit de véto sur la suprématie rhodanienne, lors de la finale de la Coupe de la Ligue, le 31 mars 2007, au Stade de France ; Bordeaux subit, recule, mais Ramé, qui détourne à peu près toutes les tentatives adverses, maintient le vaisseau à flot… jusqu’à ce que Carlos Henrique place une tête rageuse salvatrice au fond des filets de Rémy Vercoutre, à la 89e minute (1-0) ! La stratégie a payé, l’O.L. a flanché ! La prestation collective est remarquable d’efficacité, quoique quelque peu défensive !
Un vétéran fiable
Désormais, le technicien brésilien a donné des bases à Laurent Blanc, son successeur. Lui qui a joué avec Ramé en sélection, offre à ce dernier la possibilité de monter sur la deuxième marche du podium de Ligue 1 ; toujours derrière l’O.L., mais seulement à quatre points. À 35 ans, l’élégant vétéran est toujours aussi fiable dans ses 5,50 mètres. À tel point que France Football lui décerne le titre de « meilleur gardien français » 2007-2008, pour un trophée personnel supplémentaire dans la vitrine ! En même temps, c’est mérité. Même si Teddy Richert – son ancien suppléant ici et portier du F.C. Sochaux-Montbéliard – remporte celui estampillé U.N.F.P., quand le concours final opposait aussi Grégory Coupet (O.L.) et Mickaël Landreau (P.S.G.), tous deux internationaux…
Robuste, indéboulonnable, sécurisant, il ne le sait pas mais le meilleur est à venir. Le millésime 2008-2009 va s’avérer savoureux à plus d’un… titre ! Le premier, c’est la victoire, face à l’O.L. (0-0, tirs au but 5-4), lors du Trophée des Champions, à Lescure (devant 27 167 spectateurs) et le 2 août : un exploit qui met fin à six victoires consécutives des Gones. Il gagne alors son duel final à distance avec Hugo Lloris, en repoussant la tentative de Sidney Govou, quand deux autres passeront au-dessus…
Plus tard, et bien qu’éliminés en seizièmes de finale de C3 – après avoir disputé la C1 au départ –, et trop précocement lors de leur entrée en lice en Coupe de France, les Marine et Blanc vont faire coup double : remporter un nouvel « Hexagoal » – et donc un sixième sacre de champion de première division – et la Coupe de la Ligue. Le tout, devant l’O.M. et face au Vannes Olympique Club (Ligue 2), d’Erwan Quentin et Patrick Leugueun, le 25 avril 2009 (4-0), au Stade de France. Ramé ne joue pas car c’est Mathieu Valverde qui garde les filets, dans cette compétition. Mais dix ans après sa première ligne au palmarès, la fête et la fierté sont de nouveau au rendez-vous des champions… Pourtant, prolongé par le club, il avait été critiqué en début d’exercice par certains médias, en raison de son âge… Mais le « taiseux » fait ainsi taire les mauvaises langues ! Lui qui a refusé les offres du prestigieux Liverpool F.C., à l’intersaison précédente, donc…
Une nouvelle hiérarchie
Toutefois, en dépit de son inoxydable brio, il faut envisager la succession au poste. C’est logique et l’intéressé accepte la perspective. Laurent Blanc et son staff vont miser sur Cédric Carrasso comme numéro un, pour 2009-2010. Son arrivée, en provenance du Toulouse F.C. établit une nouvelle hiérarchie, chose que son aîné n’avait plus connue depuis 1997 ! La cohabitation s’annonce prometteuse et s’amorce progressivement ; on joue le jeu. Âgé de 27 ans, Carrasso fait déjà partie du groupe France de Raymond Domenech (même si sa première sélection sera effective en 2011, avec Laurent Blanc sélectionneur) et envisage la Coupe du Monde en Afrique du Sud, en 2010 (sur laquelle il devra définitivement tirer un trait, en raison d’une blessure tenace). Mais il souhaite aussi disputer des matches de haut niveau, dont ceux de Ligue des Champions.
Ce sera le cas, après une victoire initiale lors du Trophée des Champions 2009 (le 27 juillet), à Montréal (Canada), face à l’En Avant de Guingamp (2-0), mais Bordeaux tombera en quarts de finale, face à l’Olympique Lyonnais (3-1/1-0). Un collectif qui dispose-là, probablement, de la meilleure paire de gardiens de but du pays ! Un vrai luxe, un « problème » de riches… mais une chance aussi. Ramé participe à 18 matches, toutes compétitions confondues (T.C.C.) ; Bordeaux termine 6e, en championnat. À ses côtés, grâce à son talent, son travail, et aux conseils de Dominique Dropsy, Carrasso progresse. La sage veille et se tient prêt ; s’il y a besoin, il est là. Et il le prouve.
Après le départ de Laurent Blanc pour la Fédération, c’est Jean Tigana l’entraîneur. Cette période (2010-2011) correspond à celle de fin de bail pour Ulrich, s’estimant être désormais dans une posture inconfortable ; il sait que le temps a fait son œuvre, qu’il est encore compétiteur et qu’il peut de nouveau rendre service ; ici ou ailleurs. Car le gaillard en a encore sous la semelle et dans les gants ! Conscient de ses capacités à pouvoir rendre service à haut niveau, il sait bien que son heure sportive n’a pas encore sonné. L’attente est grande du côté des supporters, tiraillés entre deux amours sportifs. Mais la décision est prise : celle de quitter Bordeaux. Sans toutefois savoir quelle sera sa prochaine destination…
Un beau cadeau
Sa der, ce sera dans son « jardin », à Chaban-Delmas, en qualités de titulaire et de capitaine. Beau cadeau lui est fait par Éric Bedouet – avec lequel il collabore depuis tant d’années, et qui a remplacé au pied levé Tigana, démissionnaire –, le 29 mai 2011. C’est face au Montpellier H.S.C. de René Girard. La saison écoulée était sans Europe, et avec une place de 7e en L1, mais la satisfaction de ne pas avoir concédé de but dans cette soirée d’ultime au revoir (2-0/38e journée de L1) est probablement plus importante encore pour celui qui, après quatorze années passées en Gironde, va migrer.
Grand moment d’émotion : une page d’histoire se tourne lorsque Yul est remplacé par « Carrasse », à la 56e minute. Le temps se fige, la nostalgie est palpable, et l’échange entre ces deux monuments du foot à Bordeaux est gravé dans le marbre. Les 21 045 personnes assises dans les travées assistent en direct au passage de témoin définitif ; les autres aussi, devant leur télévision. L’ovation est méritée et très belle. Le Virage Sud, aussi, y va de son hommage. « Une carrière s’arrête, une légende naît », peut-on alors lire sur une bâche.
« Le coach m’a permis de jouer ce match, en finissant par une victoire… Et sortir, bien sûr, avec une certaine émotion, qui a grandi au fur et à mesure, jusqu’au passage de témoin en seconde période, puis après encore, et après, après... Mais ça a été positif dans tous les sens du terme », nous confiera-t-il sur le sujet, en 2017.
Loyal, fidèle, performant et professionnel jusqu’au bout, Ulrich Ramé a, aux Girondins de Bordeaux, forgé le respect, autant que construit une carrière pleine, pour un pédigrée fourni. De ses 24 à ses 39 ans, il s’est efforcé d’être au top niveau et exemplaire, en termes de statistiques et de comportement. Avec 525 matches disputés (T.C.C.), dont 70 en coupe d’Europe (C1 et C3), il demeure le seul gardien de but à avoir réalisé cela au club. Il terminera le cursus au C.S.Sedan Ardennes (51 matches T.C.C., dont la plupart en Ligue 2) entre 2011 et 2013 et passera les diplômes d’entraîneur.
Toujours, il garde d’excellents souvenirs de ses années bordelaises, et des joueurs croisés, au quotidien, au Haillan.
« En quatorze ans, ceux avec lesquels je me suis le plus régalé, ou qui m’ont procuré le plus d’émotions, ont été des attaquants : du style Pauleta, Papin, Wiltord… et Chamakh. Après, j’avais plutôt de bonnes relations avec tout le monde. De bons défenseurs il y en a eu aussi, parce que j’en ai eu des particulières avec eux, en tant que gardien de but. Il y a Alain Roche, notamment… À une autre échelle, avec un autre ressenti, Carlos Henrique, aussi… »
En 2014, il revient aux Girondins chez lesquels il est nommé au poste de Directeur de la Performance. Il supervise et « coordonne un projet d’ensemble sur tout le centre de formation et l’école de foot (football masculin et féminin, NDLR), en relation avec le staff professionnel, au niveau de la performance sportive ». En 2015, Willy Sagnol étant démis de ses fonctions d’entraîneur, il prend l’équipe pro, pour les huit derniers matches de la saison, avec pour objectif d’éviter une relégation en Ligue 2. Avec ses adjoints, Matthieu Chalmé et Pierre Espanol, il y parvient et laisse les spectateurs du Matmut ATLANTIQUE, ravis de l’intérim ! Depuis, il est Directeur Technique (Sportif) du club.
(1) Dans le groupe bordelais, en 1997-1998, figurent aussi Marc Delaroche (gardien de but), Romain Ferrier, Patrick Blondeau, Laurent Croci, Michel Pavon, Johan Micoud, Marc Zanotti, Bruno Da Rocha et Kaba Diawara.