Zinédine Zidane, l'icône
girondins.com vous propose de revenir sur l'histoire de l'une des figures emblématiques des Girondins de Bordeaux et du football mondial : Zinedine Zidane !
Zinedine Zidane, programmé pour réussir
Zinedine Zidane a été un « top player », un élément qui a évolué dans des clubs prestigieux, mais aussi l’un des entraîneurs les plus titrés de sa génération, pour ne pas dire de l’histoire du football (1). L’homme est respecté, adulé, partout sur la planète ; son pédigrée aussi. Mais ce garçon, que peu d’observateurs imaginaient parvenir à un tel niveau de réussite dans sa fonction de coach a, en peu de temps, bluffé son monde. Presque comme lorsqu’il est arrivé, joueur, aux Girondins de Bordeaux, sur la pointe des crampons…
« Yaz », oui… Cannes !
Avant de signer pour le F.C. Girondins de Bordeaux, et donc de poser son sac dans le vestiaire de la plaine des sports du Haillan, à l’horizon 1992-1993, Zinedine Zidane connaissait déjà les Marine et Blanc, qu’il avait notamment croisés quelques mois auparavant, quand ceux-là se nommaient encore Girondins de Bordeaux Football Club. Car, entre temps, l’entité girondine était passée, pour des raisons financières et administratives – mais non sportives –, par la case D2…
Ainsi, lors de la 27e journée de D1 (le 13 février 1991), celui que ses parents ont par ailleurs prénommé « Yazid », croisait le fer sur la pelouse du Stade Municipal avec l’A.S. Cannes, formation motivée, solidaire et ambitieuse et, accessoirement, formatrice de talents. Si cet épisode paraît alors anodin, tout comme le résultat de la joute (1-1), celui qui évolue titulaire aux côtés d’Éric Guérit, Jean-François Daniel ou de l’illustre Luis Fernandez, rappelle qu’il est l’un des grands espoirs de la nation.
Face aux Sénac, Lizarazu ou Dugarry – un « Duga » avec lequel il s’entend bien et qu’il a côtoyé en sélections françaises de jeunes –, le Marseillais de naissance montre de belles aptitudes pour le haut niveau. Inconsciemment, ça travaille tout le monde…
Justement, avec l’arrivée de – l’autre Marseillais – Rolland Courbis au poste d’entraîneur, peu après avoir conquis le précieux titre de champion de France de Deuxième Division (avec coach Gernot Rohr), les Marine et Blanc, qui sont devenus les « Bordeaux et Blanc » (suite au changement de statuts et de forme juridique) accueillent celui que le technicien méridional appellera « Zizou ». Alain Afflelou et Jean-Didier Lange, à la tête du club, veulent poursuivre sur la lancée, et s’inscrire – ou se réinscrire – dans une dynamique européenne qui était celle à laquelle était coutumière l’entité avant faillite et rétrogradation. La politique définie a alors pour objectif de réussir le subtil dosage entre fougue et mesure, jeunesse et expérience, talent et compétitivité. Et Zidane s’inscrit, bien entendu, dans ce cadre-là…
« Pas un milieu offensif »
L’A.S. Cannes, qui a bien malgré elle validé une descente sportive en D2, doit se séparer de certains éléments. De fait, la paire Guérit-Daniel, signée par les co-présidents, s’engage pour un bail en Aquitaine ; une garantie de plus pour le jeune Zinedine qui, âgé de vingt ans et pisté par leurs soins, profite de ces arrivées pour sécuriser son transfert. Tant pis pour l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie, qui s’était aussi positionné…
Séduit par la perspective de « faciliter les automatismes sur le terrain », il adhère à leurs côtés au projet bordelais, autant qu’à l’idée de progresser ici. Tactiquement, athlétiquement et collectivement. Les parties ont donc dit oui ! Et comme il le confie au magazine officiel du club, Le Scapulaire, il envisage aussi de devenir une pièce essentielle dans la reconstruction de l’édifice.
« De plus, lorsque je vois les installations mises à notre disposition, je suis convaincu que Bordeaux va posséder une grande équipe. »
Les attentes sont élevées vis-à-vis de ce virtuose du ballon rond. Lui qui a gouté à la Division 1 dès 1989, grâce à la confiance de Jean Fernandez, puis qui a effectué des apparitions non régulières, jusqu’à ne plus quitter l’effectif azuréen et jouer… la Coupe d’Europe (C3) avec elle ! Lui, ce grand milieu de terrain (1,85 m et 80 kg) très technique que l’on veut voir, avec empressement, dans la surface de réparation adverse, relativise et tempère les attentes.
« Je ne suis pas un milieu offensif. Mes qualités techniques me permettent de donner les ballons dans de bonnes conditions, après les avoir récupérés »
expose-t-il dans le mag’, dès son arrivée. Jean-Charles Ménard, son rédacteur en chef, livre peu après, dans ses colonnes, un point de vue très visionnaire.
« Zidane vient d’arriver avec la ferme intention de réussir au plus haut niveau. Après seulement deux rencontres de championnat, le nouveau milieu de terrain girondin nous a déjà convaincus grâce à ses qualités techniques, mais également surpris par son efficacité défensive. (…) Avec un peu plus de rapidité d’exécution, il fera partie des grands de ce championnat. Des tout grands même, dans une ou deux saisons. Mais ce n’est qu’un jugement personnel… »
Bien vu…
Des conditions optimales
Zizou débarque dans un effectif homogène qui comprend des anciens, des jeunes, et des recrues de choix. Ainsi, Gaëtan Huard, Philippe Sence (gardiens de but), Laurent Croci, Márcio Santos, Éric Guérit, Didier Sénac (capitaine), Jean-Luc Dogon, Bixente Lizarazu, Michel Milojević, François Grenet, Michel Flos, Philippe Lucas, Stéphane Plancque, Jean-François Daniel, Christophe Vecchioni, Patrice Marquet, Christophe Dugarry, Celso Moreira Valdeir et Ronan Salaün le composent. Des besogneux et des créatifs, des internationaux ou joueurs en devenir : tout semble réuni pour que la recrue puisse s’exprimer dans des conditions optimales. Ça s’annonce bien et, sous la houlette d’un coach à la gouaille, l’expérience et le flair redoutables, c’est encore mieux…
La confiance, il l’a ; le talent et l’ambition, aussi ! Reste à obtenir la reconnaissance et l’adoubement d’un public de Lescure impatient, et qui va s’avérer de plus en plus exigeant….
Son premier match, il l’effectue à domicile, à l’occasion de la première journée de championnat, face à l’Olympique Lyonnais de Raymond Domenech. Titulaire, il ne peut obtenir autre chose qu’un 0-0, en cet inaugural 8 août 1992. Son premier but intervient à l’occasion de sa sixième apparition, soit le 12 septembre, au Stade Félix-Bollaert de Lens. Et cette fois-ci, c’est pour une victoire 2-1, face au Racing Club d’Arnaud Dos Santos (entraîneur) et de Francis Gillot (joueur).
La recrue n’aura donc mis qu’un peu plus d’un mois pour trouver le chemin des filets. C’est de bon augure ! Et c’est loin d’être terminé puisque le meneur de jeu va en inscrire 10 en 35 matches ; figurant au 15e rang des meilleures gâchettes du championnat, mais demeurant meilleur scoreur bordelais (pour 1 en 4 rencontres de Coupe de France) ! Dans une saison qui s’achève à une très honorable 4e place (48 points), à 5 unités de l’Olympique de Marseille, champion de France…
Cet exercice consacrera par ailleurs la défense bordelaise, comme la plus hermétique du plateau, avec seulement 25 buts encaissés. Et avec un Gaëtan Huard qui signera un record toujours inégalé aujourd’hui, de 1 176 minutes sans en prendre…
Bordeaux retrouvera l’Europe grâce à sa solide assise, mais aussi à une participation offensive très active de Zizou…
Révélation… confirmée !
Ce premier jet bordelais est, en quelque sorte, synonyme de « révélation confirmée ». Disons que la copie est propre, bien notée et que son rendu permet aux supporters d’entretenir les rêves les plus fous. Ce garçon-là, il est programmé pour réussir, se dit-on alors… Parce que ce « minot » a dans son A.D.N. le talent et le panache des grands. Ceux dont le pouvoir est de régaler la plèbe et de faire gagner des titres… Ceux, aussi, qui font venir les gens au stade, vendre des abonnements, des décodeurs-télés et remplir les loges-partenaires… Car Zizou, sans forcément en être encore bien conscient, est un moteur de réussite, un dynamiteur de défenses, mais surtout un véritable dynamiseur de football. Son toucher de balle exceptionnel, sa vision du jeu unique, sa technique en mouvement, sa couverture de balle, ses dribbles chaloupés, ses amortis personnalisés ou ses coups francs brossés en lucarne, séduisent la France du foot. Excusez du peu !
En dépit d’une nonchalance en partie due à son jeune âge, il s’entend à merveille dans le jeu et en dehors avec ses compères « Liza » et « Duga ». Sur une aile gauche qui devient redoutable, match après match, et qui donne pas mal de frayeurs aux adversaires se dressant en face…
Attention, tout de même : discret et posé dans la vie, le peu loquace convive cache sous des apparences de timide un caractère bien trempé, autant qu’un tempérament de feu. Les nombreux cartons rouges qu’il récoltera dans sa carrière en témoigneront… Et son premier avec Bordeaux, ironie du sort, il le concède à… Marseille ! À l’occasion d’une affiche au sommet (9e journée de D1), le 19 septembre 1993, au Vélodrome, pour une sévère défaite (3-1) et un mauvais geste sur Marcel Desailly, qui lui restent en travers de la gorge… Mais auprès des Lionel Perez (gardien de but) Richard Witschge, Philippe Vercruysse, Marcel Dib, Youssouf Fofana, Stéphane Paille, Yannick Fischer ou François Grenet, il continue son petit bonhomme de chemin…
34 matches de D1 et 6 buts, 6 matches de C3 et 2 buts, plus 3 matches de Coupe de France : tel est son bilan personnel. Collectivement, les Aquitains terminent – encore – 4es (46 points), après avoir laissé filer la 3e place au profit de l’A.J. Auxerre, lors de la dernière journée, en s’inclinant au Parc des Princes, face au P.S.G. (4-1) ; un nouveau champion hexagonal, qui compte dans ses rangs les Patrick Colleter, Laurent Fournier, Ricardo Gomes ou Alain Roche… Toutefois, les Girondins affichent la 2e meilleure attaque de D1 – ex aequo avec le P.S.G. et l’A.J.A. (54 buts), derrière l’O.M. (56 buts) – ; Lizarazu joue plus souvent milieu de terrain – voire attaquant –, quand Zizou décroche plus bas, dans l’entrejeu…
Plus surveillé, serré de près
La campagne européenne s’est arrêtée en huitième de finale de la Coupe de l’U.E.F.A. (C3), face au Karlsruher S.C. d’Oliver Kahn, Slaven Bilić ou Wolfgang Rolff, mais les ambitions sont intactes. Zidane peine parfois a finir les matches et le public du Stade Municipal, qui ne sait pas tout, le siffle… Lui, qui rafle toutefois le prix de « meilleur espoir », lors des Trophées U.N.F.P. du football ! Un prix qu’il dédie, avec classe et bienveillance, à son ami Dugarry ; « Christophe méritait autant, sinon plus que moi, ce trophée »…
En dépit d’un problème récurrent aux adducteurs – c’est pour cela qu’il joue numéro 6 et qu’il est souvent sorti à la pause –, il bonifie le jeu des siens, mais reste chahuté…
En fin d’exercice, Courbis est remplacé par António José Conceição Oliveira, plus connu sous le nom de « Toni », arrivé tout droit du S.L. Benfica, avec lequel il vient d’être sacré champion national. Multi-titré avec son club de cœur en tant que joueur et entraîneur, il est censé, avec son staff, apporter encore plus d’expérience aux Bordelais. Au Haillan, quant à la politique, la ligne directrice reste la même : William Prunier, Daniel Dutuel, Anthony Bancarel, Jean-Yves De Blasiis, Geoffray Toyes, Raphaël Camacho et Franck Histilloles ont renforcé les lignes ; accessit est donné aux éléments issus du centre de formation. Les désormais « Marine et Bordeaux » commencent bien le championnat, avant de s’enliser quelque peu…
Le Portugais, qui ne parvient pas à trouver la formule, et qui « regrette le manque de confiance et de constance », axe sur le travail. L’élégant et stylé Zidane est de plus en plus surveillé par ses adversaires directs, et subit leurs fautes. Serré de près, il invente sans cesse, instinctivement et astucieusement, des moyens pour se dépêtrer du marquage, tout en faisant profiter les siens de ses éclairs de génie.
Cette fois-ci, Bordeaux chute en seizième de finale, face au G.S.K. Katowice, et sort encore plus vite de la C3 que l’an passé ! Pas top pour « ZZ » qui, quelque peu frustré comme ses coéquipiers, espère de bons parcours en coupes… Ils vont respectivement s’arrêter en seizième, en Coupe de la Ligue, et en quart en Coupe de France ! La Berrichonne de Châteauroux (Super D2) et le R.C. Strasbourg étant plus inspirés… Désillusion, déroute, humiliation : ça va mal ! Au final, c’est une 7e place qui sanctionne Bordeaux, trop loin (5 unités) des places européennes, en cette saison qui a vu le retour de la victoire à trois points. Le F.C. Nantes est champion et ça chambre…
Zidane a inscrit 6 buts en 37 matches de D1 – ce qui en fait sa saison la plus fournie –, 1 en 4 de C3 et 1 en 4 de Coupe de France (et 0/1 de Coupe de la Ligue). Toni, lui, a été limogé fin mars, après un lourd revers subi à Monaco (6-3/30e journée), puis remplacé au poste par Éric Guérit, à la surprise générale, jusqu’en mai…
L’Intertoto pour échauffement
Slavoljub Muslin, ancien joueur de D1 et technicien du club voisin du F.C. Pau, est recruté pour l’exercice suivant. Le Serbe a pour mission de remobiliser les troupes et de mettre ce talentueux collectif sur la bonne voie. Celle de la guérison et, indirectement, de l’espoir… Car bien que non qualifié sur la scène européenne, ce dernier va bénéficier de la Coupe Intertoto (2) pour s’exposer sous son meilleur jour, et gouter de nouveau au parfum des grands soirs. Une passerelle fort bienvenue afin de potentiellement accéder aux objectifs du club… Et la « coupe Mickey » ou la « coupe à Toto » – moquée car pas vraiment prise au sérieux par les observateurs et les puristes – est pourtant une formidable opportunité pour. Autant que pour l’ambition, la reconnaissance et, surtout, à courte échéance, faire oublier le regrettable « gâchis » constaté jusque-là…
Zidane est en pleine ascension et il renoue depuis plusieurs mois avec des sensations quelque peu égarées en cours de route.
« J’ai retrouvé ma force physique et je pense pouvoir maintenant franchir une marche supplémentaire afin de hausser mon niveau de jeu, (…) même si ce n’était pas évident pour moi car c’est la première année que je joue aussi régulièrement »
déclarait-il en 1994, après avoir commencé à enchaîner durablement les matches. À présent, il lui reste trois ans de contrat. Et après s’être montré capable de passer « les étapes » qui se dressaient devant lui, celui qui est désormais international « A » tricolore, se fixe la Coupe du Monde 1998 comme but à « long terme »…
Mais en attendant, cette campagne européenne offre des perspectives. D’abord celle de commencer la saison 1995-1996 plus tôt, puis de se frotter à des formations plus motivées et plus compétitives que s’il s’agissait de simples rencontres de préparation de pré-saison…
Et le 1er juillet 1995, c’est l’I.F.K. Norrköping qui vient à Lescure, pour inaugurer le tournoi d’ouverture et honorer le premier match de poule. Zizou claque deux fois quand la recrue, Didier Tholot, le fait à trois reprises (en plus d’un but de Prunier), pour un festival offensif des plus réjouissants… Bilan : 6-2 ! La semaine suivante, les Girondins se déplacent en Irlande pour y affronter le Bohemian F.C. ; le résultat est de 0-2, avec deux réalisations de Zizou et Duga ! Le 15 juillet, pour la réception de l’O.B. Odense, il récidive et, comme quelques jours avant, c’est sur coup franc direct ! Victoire 4-0 (avec des buts de Prunier, Tholot et Lizarazu)… L’ultime match du Groupe 5 se solde par un nul face à l’H.J.K. Helsinki (1-1/But de Bancarel), en Finlande. Un petit accroc qui n’empêche pas Bordeaux de terminer premier et de se qualifier pour les huitièmes de finale. L’Eintracht Francfort vient sur les bords de Garonne, pour un aller simple : victoire 3-0, avec un nouveau coup franc direct du maestro (et des buts de Lucas et Dutuel) ! En quart, les néerlandais du Sportclub Heerenveen en repartent avec deux pions dans les valises (2-0) ! Allez, au suivant…
Zidane en feu !
En parallèle, il réalise avec les siens des débuts en D1 parfaits, avec deux victoires en deux rencontres. Le moral et l’optimisme sont au beau fixe. L’effectif est peu bouleversé. Ça combine bien dans l’entrejeu et, sur le côté, avec le triangle magique « Liza-Zizou-Duga », ça distille sévère et ça régale l’assistance ! Son football basé sur du jeu court, rapide et incisif, fait florès. Les Dutuel, Witschge et consorts participent grandement à sa réussite ; un noyau humain solide se forme, autant qu’un mental de guerrier se forge. Les actions sont concrétisées par des attaquants en confiance et, en préliminaires-aller de la Coupe de l’U.E.F.A., c’est de nouveau le Karlsruher S.C. qui se met en travers de la route ; ce sera dans le Land de Bade-Wurtemberg, pour le premier acte.
On n’est que le 8 août, et les hommes de Muslin, qui ont déjà disputé 9 matches (avec une défaite à Bastia), viennent à bout de ceux de Winfried Schäfer, sur le score de 2-0. Avant l’épisode II, Zidane a planté deux buts au F.C. Nantes (et Dugarry, un), pour un net succès (3-0) au Stade Municipal. Ensuite, l’E.A. Guingamp s’est imposé au Roudourou (1-0), mais les Bordeaux et Blanc se « vengent » finalement sur les Allemands : 2-2 ! Doublé de capitaine Liza et… carton rouge pour Zizou !
Peu importe, Bordeaux est chaud et Zidane, avec 5 buts inscrits en 8 matches, est en feu ! Les Aquitains seront donc au rendez-vous de l’Europe, le 14 septembre. Date à laquelle ils s’imposeront 2-0 en Macédoine et en trente-deuxièmes de finale, face au champion national, le F.K. Vardar Skopje. Au retour, ils concèderont le nul (1-1) ; pour deux fois sans leur maître à jouer. Ce sera la même chose lors des rencontres remportées, en octobre, face au Rotor Volgograd (2-1 et 0-1). À l’inverse du rendez-vous à domicile face au Real Betis Balompié de Séville, le 21 novembre, en huitièmes de finale-aller. Verdict : 2-0 ! Lors du déplacement en Andalousie, Zizou inscrit probablement l’un des plus beaux buts de sa carrière et, assurément, le plus osé avec les Girondins…
Car c’est par une géniale inspiration que le numéro 7 fait pleurer les 40 000 supporters des « Verdiblancos » massés dans les travées du Stade Benito-Villamarín, et sauter de joie les fans bordelais ! Ainsi, à la 4e minute de jeu, voyant le portier adverse, avancé, il tente des quarante mètres – et d’un geste malicieux – une volée du gauche imparable qui lobe Pedro Luis Jaro Reguero ! L’initiative est incroyable d’audace, de précision, et la concrétisation est simplement… parfaite ! Bordeaux ouvre le score et confirme son option sur la qualification, malgré une défaite (2-1). Mais maintenant, il est possible de rêver en grand, et de s’offrir la possibilité de vivre une deuxième moitié de saison excitante…
Milan ridiculisé !
Étrange paradoxe : les Girondins brillent de mille feux sur la scène européenne, mais occupent une inquiétante 16e place (sur 20) en championnat. Pire, ils ne possèdent que cinq points d’avance sur le premier relégable (le 18e), avant d’enchaîner avec la Coupe de la Ligue et la Coupe de France ; deux compétitions qu’ils quitteront rapidement (en seizième de finale). L’élimination, à Mayol, face au S.C. Toulon (pensionnaire de National 1) en Coupe Charles-Simon, précipite le limogeage de Muslin ; le 3 février 1996 sera son dernier match à la tête de la l’équipe. Gernot Rohr, légende du club et habitué des intérims en interne, prend les commande d’un groupe pro galvanisé par son parcours hors frontières, mais toujours en peine en D1. L’on craint même quant à la survie du club parmi l’élite…
Le tirage au sort a désigné le puissant Milan A.C. comme adversaire, en quart de finale. Là, c’est du lourd ! Armé pour gagner le trophée, le club dirigé par Silvio Berlusconi et coaché par Fabio Capello aligne un collectif regroupant plusieurs joueurs figurant parmi les meilleurs du monde. Celui-ci, d’ailleurs, s’impose à l’aller (2-0/le 5 mars), à San Siro, sans trop forcer. Zizou et les siens ne risquent donc quasiment rien au retour. En fin de compte, l’obstacle est gros, mais pas si insurmontable que cela…
Décontractés mais appliqués, les Bordelais, sous l’influence d’un mentor qui en a vu d’autres, vont réaliser l’impossible : battre l’ogre italien et l’éliminer ! Lui qui sera sacré champion d’Italie – pour la quinzième fois de son histoire – en fin de saison…
Le 19 mars, face aux illustres Ielpo (gardien de but), (Franco) Baresi, Desailly, Costacurta, Panucci, Maldini, Donadoni, Weah, Eranio, Vieira, (Roberto) Baggio, (Tomas) Locatelli, Albertini et Di Canio, c’est un Bordeaux en furie, transcendé, dans une ville, une France, et un Parc Lescure en ébullition, qui terrasse l’outrecuidant adversaire « rossonero » ! 3-0, merci… « arrivederci » ! Zizou a enchanté le public, délivré deux passes décisives, fait tourner en bourrique et ridiculisé ses cerbères. Tholot et Duga (2 buts) ont scoré pour la qualif’, pour la gloire, pour l’éternité.
« On n’avait rien à perdre ; juste à entrer dans l’histoire »
confiera-t-il plus tard. C’est fait, et bien fait ! Un « premier grand souvenir », aussi, qui va en appeler d’autres…
Comme celui de l’élimination du S.K. Slavia Prague, en demi-finale, dans le même genre d’ambiance et de dynamique. Un premier acte remporté (0-1) en République Tchèque, qui a donné le ton, et la passe décisive offerte à son ami Dugarry, et lancé les hostilités. La marche en avant se poursuit avec la victoire, au retour (1-0, but de Tholot), le 16 avril, devant des Radek Bejbl, Karel Poborský ou Vladimir Šmicer médusés. Avant de disputer, pour la première fois de son histoire personnelle, une finale de Coupe d’Europe : ce sera face au – grand – F.C. Bayern Munich, en mode aller-retour (3). En Bavière pour commencer, mais sans Zidane ni Dugarry, suspendus. Il sera donc plus aisé aux Kahn, Kreuzer, Ziege, Babbel, Helmer, Hamann, Sforza, Scholl, Klinsmann, Matthäus, Frey, Witeczek et (Jean-Pierre) Papin de l’emporter (2-0), le 1er mai…
Le 15, les deux compères sont sur la pelouse, mais les protégés de Franz Beckenbauer maîtrisent rapidement la situation, pour s’imposer 3 buts à 1 un dans un stade qui aura vécu, en quelques mois, l’une de plus belles épopées de son existence. Tout comme ses joueurs d’exception, qui auront buté sur plus forts qu’eux et sur une marche bien trop haute, au vu des circonstances de jeu, de la qualité de l’opposant, et de l’influx laissé en route.
Nos joueurs sont fiers, mais cuits physiquement. Le Bayern est sacré à l’extérieur, sous les yeux tristes de Zidane et ses copains, lesquels n’auront pas à rougir de leur parcours, bien au contraire. Il n’en est pas de même en championnat puisque fatigués, et la tête ailleurs, ils termineront à la 16e place (42 points), avec 4 unités de plus que le F.C. Gueugnon (18e), relégué…
Zizou, lui, aura disputé 33 matches de D1, 15 de C3 et 3 de coupes nationales, pour un total général de 12 buts inscrits. Et il obtiendra, à titre individuel, le trophée du meilleur joueur U.N.F.P. 1995-1996. Sans pour autant, en 179 matches (et 39 buts), toutes compétitions confondues, glaner autre titre collectif que l’Intertoto, avec les Girondins. Néanmoins, s’il a parfois été incompris ou sifflé sur son terrain, le maître à jouer a illuminé, par son talent naturel haut de gamme, son aura et son efficacité, le football bordelais et la vitrine de son prestige. Autant que fait honneur et rendu fiers ses adeptes. Et ce n’est pas pour rien qu’après cette incroyable aventure sportive et humaine, les plus grands clubs d’Europe, qui ont attentivement scruté nos joueurs depuis le mois de juillet 1995, veulent – et vont – s’offrir les héros d’un peuple…
De son côté, Zidane choisira la Juventus Turin, avant de migrer vers le Real Madrid C.F., cinq ans plus tard, et d’en devenir l’immense joueur et entraîneur à succès que l’on sait…
(1) Entre 1996 et 2001, en ce qui concerne les titres collectifs majeurs, Zinedine Zidane a conquis, en tant que joueur de la Juventus Turin, deux titres de champion d’Italie (en 1997 et 1998), une Supercoupe d’Italie (1997), une Supercoupe U.E.F.A. (1996), une Coupe Intertoto (1999) et une Coupe Intercontinentale (1996).
Au Real Madrid, entre 2001 et 2006, il a remporté un championnat d’Espagne (en 2003), deux Supercoupe d’Espagne (2001 et 2003), une Ligue des Champions (2002), une Supercoupe U.E.F.A. (2002) et une Coupe Intercontinentale (2002).
En tant qu’entraîneur, en ce qui concerne les titres collectifs majeurs, il a remporté, avec le Real Madrid, un championnat d’Espagne (2017), deux Supercoupe d’Espagne (2017 et 2020), trois Ligue des Champions (2016, 2017 et 2018, plus une en qualité d’adjoint, en 2014), deux Supercoupe U.E.F.A. (2016 et 2017) et deux Coupe du Monde des Clubs F.I.F.A. (2016 et 2017).
(2) La Coupe Intertoto est une ancienne compétition de football qui avait lieu en été, et qui opposaient les meilleurs clubs européens non-qualifiés pour la Ligue des Champions (C1), ou pour la Coupe de l’U.E.F.A. (C3/Europa League aujourd’hui). Les vainqueurs de ces tours préliminaires obtenaient alors un billet pour disputer la Coupe de l’U.E.F.A.
(3) En 1995-1996, la finale de la Coupe U.E.F.A. (aujourd’hui Europa League) se dispute encore en format aller-retour. La C3 est la seule des trois compétitions (au contraire de la Ligue des Champions et de la Coupe des Vainqueurs de Coupe/C2) à proposer cette formule. C’est à partir de la saison 1996-1997 qu’elle se disputera sous la forme d’un match unique, et sur terrain neutre.