Jean Tigana, l’indispensable !

Une légende parmi les légendes bordelaises

Dans la « footosphère », Jean Tigana est une référence. Et ce, plus de vingt-cinq ans après l’arrêt de sa carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que ce milieu de terrain, malgré un physique dit « normal » – mais parfois même qualifié de « chérif » –, possédait des qualités de joueurs exceptionnelles. Celles d’un type capable d’avaler les kilomètres de terrain à la bouchée, mais pas seulement…

Véritable athlète du football, ses incroyables aptitudes pour le haut niveau commencent à poindre dès ses débuts au S.C. Toulon, en 1975, en D2. Et il ne faut pas longtemps pour que des clubs plus huppés jettent un œil intéressé sur ce garçon au caractère déjà bien trempé, qui marque aussi quelques buts. Ainsi, l’Olympique Lyonnais rafle la mise et l’engage en 1978, pour une première aventure en D1. Aimé Jacquet en est le coach…

Jean Tigana, grand milieu de terrain des Girondins

Un joueur sans égal

Trois saisons chez les Gones, une régularité à faire pâlir de joie un statisticien (il dispute presque tous les matches de championnat), des buts – ce qui implique une forte propension à se projeter vers l’avant – et une réputation de joueur fiable plus tard, et ce sont les Girondins de Bordeaux qui le courtisent. Jacquet, qui a déjà rejoint le club bordelais un an plus tôt, accueille « Jeannot » chez les Marine et Blanc en 1981-1982. Ce dernier flambait dans le Rhône, il va briller en Gironde ! Alors fraîchement sélectionné en Équipe de France pour la première fois, par Michel Hidalgo, Tigana s’affirme comme une valeur sûre du championnat, autant que sur la scène continentale…  

Il a la confiance de ses entraîneurs. Il emballe, il régale, car sans égal. Milieu de terrain alerte et technique, celui qui n’est pas allé au bout de son contrat avec l’O.L., a choisi la proposition d’un Bordeaux qui lui offrait des ambitions nouvelles. Pour un transfert au prix fort : 210 millions de centimes ! Mais la valeur en a un, donc, et Claude Bez n’a pas hésité pour l’attirer dans son projet, ni pour bâtir une équipe de très haut niveau. Dragan Pantelić (gardien de but) et Nordine Kourichi (tous deux internationaux) l’accompagnent, ainsi que Mario Relmy et Antoine Martinez, jeune milieu créatif au futur prometteur. 

FC Girondins de Bordeaux - site officiel | Girondins.com

Un travailleur infatigable

Vif, élégant et efficace dans ses enchaînements, étalant par ailleurs une belle panoplie technique, le natif de Bamako (Mali), qui a débuté en France dans les quartiers de Marseille, est un monstre de la récupération. Ou du ratissage de ballon, s’entend. À Lescure, il s’épanouit et donne la pleine mesure de son talent. Son sens du collectif, sa relance courte, ses accélérations soudaines, et son profil atypique de combattant acharné – en dépit de quelques carences dans le jeu – confèrent une sérieuse plus-value à un collectif déjà fourni en joueurs de classe internationale. Les Thouvenel, Rohr, Bracci, Trésor, Girard, Giresse, Lacombe, Gemmrich ou Soler, notamment, lui permettent d’élever son niveau de performance. Et vice-versa. Car sans lui, l’équilibre d’équipe n’est pas le même.

« Au départ, c’est un garçon qui récupérait énormément de ballons mais qui, peut-être un peu dans la précipitation, en redonnait un certain nombre à l’adversaire, se souvient Marius Trésor. Et, finalement, à force de travail, il a commencé à être beaucoup plus précis dans ses transmissions de balle. C’était un travailleur infatigable qui faisait le boulot, comme l’on dit maintenant de ‘‘box to box’’ (soit d’une surface de réparation à l’autre, NDLR)…C’est le joueur qui pouvait apporter énormément sur le plan offensif mais qui, quand il fallait défendre, était présent. Il était tout frêle, mais c’était quelqu’un de généreux sur le terrain. »

Championnat, Euro, il explose tout !

Les bons résultats fleurissent et Bordeaux fait peur. Allant truster les premières places en championnat, jusqu’à… la première ! Les Girondins sont sacrés champions de France en 1983-1984, et Tigana y est pour beaucoup. C’est un évènement : le dernier titre date de la « promotion Swiatek », en 1950 ! L’Europe, aussi, se délecte de ses prestations. D’abord en Coupe de l’U.E.F.A. (C3), puis en Coupe des Clubs Champions (C1), en 1984-1985. Là, le monde entier a confirmation de ce qu’est Tigana : un joueur d’exception. De l’Athletic Club Bilbao (face à qui il ne joue pas), à la Juventus Turin F.C. de son copain Platini, en demi-finale, il est l’un des artisans majeurs du succès, et d’une aventure qui échoue aux portes de la finale (C1). Peu après, lors de l’Euro 1984, qui se déroule en France, il explose les compteurs et gagne le tournoi. Figurant dans l’équipe type de la compétition, il lave l’affront fait aux Tricolores deux ans plus tôt par l’Allemagne de l’Ouest, en demi-finale du Mondial espagnol… Mieux, en fin d’année, il est deuxième au Ballon d’or ! Deuxième meilleur joueur d’Europe (derrière Michel Platini), donc…

Élément incontournable de la machine de guerre bordelaise, qui compresse adversaires confirmés et novices malchanceux, Tigana soigne son palmarès. Cadre de l’équipe, il fait marquer ou met en valeur les Giresse, Lacombe, Zénier, (Dieter) Müller, Chalana, Reinders, mais aussi les générations offensives suivantes, qui garnissent avec maestria les rangs d’un redoutable collectif. Ainsi, les Allen, Bijotat, Cantona, Dugarry, Fargeon, Ferreri, Genghini, Scifo, Stopyra, Olsen, (Marc) Pascal, Touré, Vercruysse ou (Zlatko) Vujović profitent des offrandes de leur milieu relayeur. L’assise défensive, également, bénéficie de ses qualités de « trait d’union » entre les lignes, rassurant les (Christian) Delachet, (Raymond) Domenech, Dropsy, Battiston, Lizarazu, (Alain) Roche, (Didier) Sénac, Specht, Tusseau ou (Zoran) Vujović, dans leur tâche. IN-DIS-PEN-SA-BLE Tigana !

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À jamais dans la légende

Trois titres de champion de France en 1984, 1985 et 1987, deux Coupe de France en 1986 et 1987 et deux demi-finales de coupes d’Europe en 1985 et en 1987 (face au Lokomotive Leipzig, en Coupe des Vainqueurs de Coupes/C2) sanctionnent son parcours bordelais. Un bilan remarquable, autant qu’un bail ayant tourné à l’idylle pendant huit saisons ; malgré quelque courroux de la part de son emblématique et moustachu président, peu enclin à céder aux « caprices » de ses joueurs... 

Quoi qu’il en soit, Jean Tigana, régulateur et malicieux métronome de l’entrejeu bordelais et homme à l’hygiène de vie remarquable, a forcé le respect, fait gagner les siens, et répandu la joie en tribune et autour de lui. Et pas que par son accent chantant ou son rire communicatif (324 matches et 14 buts, toutes compétitions confondues) ! Courtisé par de grands clubs européens, il n’est jamais parti, sauf en 1989, où l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie lui offre une fin de carrière en apothéose (1989-1991). Il y enrichit encore son palmarès avec deux titres de champion de France, et un parcours en C1 achevé en finale (qu’il vit en qualité de remplaçant), perdue face à l’Étoile Rouge de Belgrade F.K. (0-0, 5 tirs au but à 3). Une année 1991 durant laquelle il échoue aussi avec son club en Coupe de France, en finale face à Monaco (1-0) ! 

Devenu entraîneur à succès en suivant (Olympique Lyonnais, A.S. Monaco, Fulham F.C., Beşiktaş J.K., puis au Shanghai Shenhua, après Bordeaux), il laisse cependant derrière lui un passage inachevé aux commandes du club au scapulaire, démissionnaire avant la fin de l’exercice 2010-2011. Les conditions n’étant pas réunies, selon lui, pour honorer sa mission de coach, comme il l’avait envisagé. Mais bien au-delà de cet incident de parcours, Jean Tigana demeure à jamais une légende du club.  

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